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La métamorphose de l'Eucharistie - partie 2 sur 2

Rudolf Frieling - Article paru dans Perspectives chrétiennes - Saint-Michel 2002

L'Acte de consécration de l'homme tel qu'il est célébré à la Communauté des chrétiens est comme une "messe ré-incarnée", née de nouveau à notre époque. Les imaginations et archétypes qui, dans le monde suprasensible, ont accompagné l'évolution de l’eucharistie à travers les siècles se manifestent aujourd'hui avec une évidence nouvelle.

Les quatre parties de l'Acte de consécration de l'homme montrent une articulation clairement visible. Reproduire exactement les rites des débuts du christianisme ne saurait être un idéal en soi. Ce serait une façon de nier le sens de l'évolution du temps. Les tentatives faites pour copier l'âge d'or révolu ont généralement produit des caricatures. Nous avons à être des chrétiens de notre temps. Cela ne veut pas dire pour autant que nous ayons à nous livrer aux erreurs et aux excès de notre époque matérialiste. Celle-ci a d'ailleurs, comme chaque époque, ses ombres spécifiques et son potentiel de forces divines particulier.

L'Acte de consécration de l’homme s'exprime avec un langage moderne. Il renferme des formulations et des formes de pensées qui, avec leur spécificité, n'auraient pas été possibles sur le plan lexical-liturgique de l'Église des origines. Il exprime par exemple d'une façon toute nouvelle les mystères du cours de l'année. Le nombre des couleurs liturgiques, dans ce contexte, s'est considérablement élargi. Le cours de l'année, vécu sur le plan spirituel, peut nous faire sentir la proximité du Christ vivant, agissant dans la sphère des forces de vie. C'est ainsi que la Terre, conçue comme un organisme vivant – l'Anthroposophie de Rudolf Steiner, ainsi que d'autres sagesses ésotériques, en parlent abondamment –, est abordée, ainsi que son chemin à travers l'année dans ces textes liturgiques modernes. Ils parlent d'une façon nouvelle du soleil, des étoiles, de l'arc-en-ciel, de l'air et de la respiration de la terre.

La première grande partie, la lecture de l'Évangile, se fonde sur une compréhension nouvelle de l'Écriture. La seconde partie, l'Offertoire, est conçue sur la base d'une compréhension nouvelle de ce qu'est le sacrifice. On entend parfois l'objection suivante : « comment est-il possible d'offrir quoi que ce soit à Dieu, puisqu'il possède toute chose ? ». Il est vrai qu'à l'origine tout Lui appartient. Nos âmes étaient auprès de Lui et n'appartenaient à personne d'autre. Mais Dieu lui-même a conféré à l'homme le privilège d'être libre et indépendant. Nous n'avons aucun mérite à ce que notre « moi » existe en tant qu'être indépendant. Nous n'y sommes pour rien. C'est le don le plus élevé qui soit : Dieu nous a voulus libres et autonomes. Mais c'est aussi la particularité des plus grands privilèges : ils renferment également les dangers et les risques les plus considérables. Les montagnes les plus élevées ont aussi les gouffres les plus profonds, Nous pouvons mésuser de notre indépendance et nous couper totalement de notre origine divine. C'est ce qui s'est produit dans une certaine mesure. L'homme a pris l'habitude de considérer sa personnalité, ainsi que ses facultés de pensée, de sentiment et de volonté, comme ses biens propres. Et pourtant, l'homme ne trouvera pas le salut sans avoir auparavant reconnu que son individualité, comme ses différentes facultés, lui ont été remises de la main de Dieu. Le monde divin attend de lui qu'il veuille, dans les profondeurs de son être, unir sa liberté aux buts qui sont ceux de la divinité. Donc, n'y a-t-il rien que l'homme puisse offrir au Dieu tout-puissant ? La réponse est « si », mais comment s'y prendre ?

Notre liberté est, de fait, le résultat de la limite que Dieu a fixée à sa propre toute-puissance, en notre faveur. Il a remis à chaque individualité humaine une part de sa propre liberté – adage créateur par excellence – et Il attend de nous que nous en fassions bon usage. Ce n'est pas un dogme, mais un fait que nous pouvons constater quotidiennement, que notre « ego », empoisonné par l'égoïsme, n'appartient pas à Dieu. Bien qu'ayant son origine en Dieu, il s'est aliéné lui-même de son maître originel.

Ainsi, l'acte religieux de l'Offrande signifie que nous essayons de mettre notre « ego », avec ses différentes capacités, à la disposition du divin. Plus nous nous essayons à cela, plus nous en percevons le degré de difficulté. Cependant, en cherchant à offrir notre pensée, notre sentiment et notre volonté au Christ, semaine après semaine, nous pouvons, avec le temps, sentir un "progrès", une progression. C'est le chemin intérieur sur lequel nous sommes conduits à travers l'Offertoire de l'Acte de consécration.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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