La révélation, l'ordre de l'espace, le cours du temps
Sont-ils en train de s'accomplir aujourd'hui ?
On a un jour demandé au célèbre physicien Max Planck s'il croyait en un Dieu. Il aurait répondu qu'il ne s'agissait pas d'une question de croyance : quiconque observe attentivement et avec précision les phénomènes de la nature, puis suit ses réflexions jusqu'au bout, est obligé d'admettre que, dans toute cette diversité à peine compréhensible, doit être à l'oeuvre un être tout-puissant et en mouvement.
Un regard rapide ou superficiel ne le révèle pas, mais pour un regard attentif et aimant, chaque phénomène distinct révèle la sagesse qu'il recèle : qu'il s'agisse d'un cristal, d'un tournesol ou d'une mouche - quoi que ce soit. Et le type de pensée qui ne se contente pas de théories rapides, mais qui va plus loin, en menant les pensées jusqu'à leur conclusion, cette pensée reconnaît à quel point tous les phénomènes de la nature et leurs processus de vie sont magnifiquement harmonisés les uns avec les autres et fonctionnent ensemble. Derrière cela, il doit y avoir un fondement de l'existence qui englobe tout, qui soutient tout.
Diverses cultures connaissent un tel fondement de l'existence et le nomment de différentes manières. Mais cela n'est pas si important : c'est toujours le même être qui se révèle dans la multiplicité des phénomènes du monde. Le Coran, par exemple, dit : « Allah a cent noms ». Cela signifie que chaque chose individuelle dans le monde est un nom du fondement de l'existence.
Il est donc évident que la richesse et la multiplicité des révélations ont à être ordonnées dans l'espace. En effet, elles ne doivent pas se fondre les unes dans les autres, se recouvrir les unes les autres ou devenir floues et indistinctes. À la révélation doit s'ajouter l'ordre de l'espace. Et comme troisième facteur nécessaire, il doit y avoir un déroulement fiable du cours du temps, afin que les processus de vie puissent avoir lieu : croissance, floraison, maturation et flétrissement. Et c'est bien sûr ainsi que les choses se passent dans notre monde terrestre.
Au départ, il est surprenant et peu familier de penser que la révélation, l'ordre de l'espace et le cours du temps ne sont pas seulement des faits déjà établis – sous la forme décrite au début de la Bible comme la « création du monde » – mais qu'ils sont des accomplissements vivants. Une résolution guidée par la volonté, qui n'est pas simplement entreprise mais qui est menée à son terme, est une résolution qui a été accomplie. Dans l'Acte de consécration de l’homme, nous n'entendons pas parler d'un être divin qui aurait accompli sa volonté dans un passé lointain. Nous entendons plutôt parler d’un Être qui l'accomplit à chaque instant - aujourd'hui aussi, au moment présent. Ce travail se poursuit constamment.
Une image géographique peut aider à clarifier ce point : comme chacun sait, le Jourdain, en Palestine, se jette dans la mer Morte, qui se trouve dans un canyon rocheux, à 420 mètres au-dessous du niveau de la mer. L'eau ne peut donc pas s'écouler, elle ne peut que s'évaporer. Or il existait une étonnante équivalence entre la quantité d'eau qui s'écoule chaque jour du Jourdain vers la mer Morte et la quantité d'eau qui s'évapore chaque jour. Son littoral est stable, aussi stable et fiable qu'un minéral ou un autre objet physique. On pourrait dire : la mer Morte est juste là. Oui, mais seulement parce que le Jourdain ajoute constamment de l'eau. Si cet apport devait cesser, la Mer Morte ne serait bientôt plus une mer. En fait, on a récemment détourné l'eau du Jourdain à des fins d'irrigation, ce qui a perturbé l'équilibre entre l'apport et l'évaporation, avec de graves conséquences écologiques. De la même manière, la continuité et la fiabilité de l'ensemble de notre monde terrestre seraient menacées – jusque dans ses moindres détails – s'il n'y avait pas un afflux constant provenant de la volonté révélatrice du Fondement de l’univers, qui met de l'ordre dans l'espace et dans le cours du temps.
C'est pourquoi la sagesse indienne appelle le monde des sens – qui, pour beaucoup de gens, représente en fait tout ce qui existe – une maya, une illusion, qui n'acquiert sa réalité qu'à travers ces actes vivants suprasensibles. Si nous nous attardons un moment sur cette pensée et que nous observons le monde ordinaire qui nous entoure, ainsi que nous-mêmes, tout en essayant de comprendre qu'ici, le Fondement de l’univers est actif partout, nous pourrions presque nous sentir oppressés et reconnaissants de ne pas avoir à voir constamment cette ampleur invisible d'activité.
Mais la reconnaissance d'un Fondement de l’univers actif n'exige nullement qu'on l'appelle Père, ni ne justifie qu'on s'adresse à cet Être en l'appelant « Toi, Père ». Dans aucune des grandes religions du monde, se tourner vers la divinité n'est considéré comme se tourner vers le Père – seulement dans le christianisme.
Comment les chrétiens peuvent-ils alors – au-delà du fait de se tourner avec révérence vers le Fondement de l’univers - acquérir une relation avec lui comme celle qu'un fils ou une fille peut avoir avec un bon père ? Cela est devenu possible parce qu'un être divin, à savoir le Christ, est venu à nous, les êtres humains. Son attitude est celle d'un fils à l'égard de son père. Il a ainsi ouvert la voie pour nous aussi : « Personne ne vient au Père si ce n'est par moi », dit-il.
En tant que créatures de la nature, nous, les êtres humains, sommes bien sûr aussi une révélation du Fondement de l’univers – en fait, le plus haut que l'on puisse imaginer dans l'espace et le temps : « une image à sa ressemblance », comme le dit la Bible. Mais c’est à nous qu’il revient de développer ou non ce don de la nature, car notre substance, notre « Je » nous donne notre liberté et notre responsabilité personnelle et, de là, une qualité d'amour plus élevée. C'est pourquoi nous pouvons, dans notre âme, nous approcher du Christ, le faire vivre en nous et nous unir à Lui - Lui qui s'est fait Homme. Par lui et avec lui, nous pouvons suivre le chemin qui nous conduit au Fondement de l’univers en tant que « notre Père ». Et cela, en retour, nous ouvre la possibilité de surmonter, devant lui, la séparation et l'aliénation provoquées par le péché. Une nouvelle dimension de sa révélation dans l'espace et le temps peut devenir une réalité grâce à notre coopération active.
Il est bon de se libérer de l'image du vieil homme bienveillant sur son trône céleste et de considérer plutôt la relation entre Dieu et l'humanité. On comprend alors pourquoi nous ne disons pas « Notre Mère » : la relation maternelle avec un enfant est tout simplement différente de la relation paternelle.
Au cours de l'Acte de consécration de l'homme, la proximité avec ce Père s'accroît ; et (juste avant le Notre Père) il nous est rappelé que c'est lui qui, activement, accomplit la révélation, l'ordre de l’espace, le cours du temps. C'est ici que les mots du Notre Père prennent une autre nuance dans notre prière : nous demandons que son nom soit sanctifié - comme la somme des nombreux noms qui se révèlent de manière si diverse ; que sa sphère d'action - son « royaume » – nous inclue aussi et vienne jusqu'à nous ; que sa volonté créatrice agisse non seulement dans les cieux, mais aussi sur la terre.
Par le Christ, l'humanité peut surmonter la séparation d'avec le Père.
Par le Christ, la Divinité peut accomplir sa volonté créatrice avec nous aussi.
Article paru dans Perspectives. 2023. (Royaume-Uni) - http://perspectives-magazine.co.uk
Traduit/adapté par Philia Thalgott