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Solstice d’été     

Emil Bock - Saint-Jean 2010

Avec la plénitude de l’été, la Terre devient tout entière vénération pour le Soleil. La chaleur qui emplit de ses flammes l’atmosphère est comme un grand feu d’offrande. Sur les ailes de ce feu, la Terre s’élance à la rencontre du Soleil qui s’est rapproché d’elle. De même qu’au plus profond de l’hiver, l’âme de notre planète se concentre sur elle-même au cœur de la Terre qui, alors, prend conscience de la puissante réalité de l’univers cosmique, de même, à l’apogée de l’année, elle croît au-delà d’elle-même, consacrée par le Soleil. Son chant de louange atteint les hauteurs de l’univers. Elle s’unit à cet hymne de feu qui s’élève vers les mondes d’en haut.

Dans les époques passées de l’humanité, l’âme de la Terre s’harmonisait avec les forces d’adoration des âmes humaines qui s’adonnaient aux mondes supérieurs. En ces temps-là, les hommes cherchaient leurs dieux dans les hauteurs cosmiques de l’univers. Toutes les forces intérieures tendaient à s’élever et à être emportées au-delà de la pesanteur terrestre. C’est pourquoi l’extase était la forme religieuse des civilisations préchrétiennes. Le lien avec le Soleil en était l’essence même. C’est ce qui caractérise les religions dites « païennes ». Le solstice d’été en était le point culminant. L’extase macrocosmique de l’âme de la Terre emportait avec elle les hommes dans une extase microcosmique de leurs cœurs inondés de joie.

L’extase solaire fut interdite – à tort –, considérée comme étant le contraire de ce à quoi le christianisme voulait tendre. Pourtant, cette ferveur pour le Soleil était « une sorte » de christianisme, avant l’heure. Car la divinité vers laquelle l’homme s’élevait n’était autre que l’être du Christ lui-même qui était encore relié au Soleil et au cosmos tout entier. […] Au commencement, le christianisme a eu raison de se démarquer de toute quête d’extase, sur le plan de la pratique religieuse, car c’était sur la Terre que le Christ était à trouver, s’y étant lié par son incarnation et son sacrifice. Aussi longtemps qu’a vécu un écho de cette antique connaissance selon laquelle l’on savait que le Christ vient du Soleil, le christianisme est resté animé d’une profonde respiration cosmique. Mais quand, après l’extinction du christianisme primitif, le lien du Christ avec le Soleil tomba dans l’oubli, la religion chrétienne perdit son caractère cosmique et l’on partit en campagne avec forte haine contre le « paganisme ».

Le dernier héraut et représentant de la vénération extatique pour le Soleil fut Jean le Baptiste. Non seulement de par sa naissance, mais par tout son être, il était l’homme du solstice d’été, la quintessence de l’élévation au-dessus de la dimension de l’être humain terrestre et l’aspiration vers les lointains cosmiques de l’univers. Son âme rayonnait d’un feu dont les flammes s’élevaient loin au-dessus de la Terre vers la sphère du Soleil, alors que le Christ venait de quitter ces hauteurs et s’engageait vers la Terre pour cheminer parmi les hommes. Jean put accompagner le génie du Soleil depuis les hauteurs du ciel jusqu’aux profondeurs de la Terre, en célébrant le baptême de Jésus de Nazareth dans le Jourdain. Il saisit pleinement avec sa conscience ce qui venait de se passer et qui transformait du tout au tout la réalité des mondes spirituels ; et il s’y adonna dans un don de soi total. C’est ainsi qu’il put prononcer ces mots : « Il doit croître et moi diminuer. »

La croissance du Christ qui, dès lors, partait de la Terre – c’est le contenu du message de Jean le Baptiste – fait que le principe antique de l’extase est révolu. Un nouveau sens de l’élévation de l’âme entre dans le monde. L’homme ne se perd plus dans une divinité qui serait dans le monde de l’au-delà. Il se retrouve de fait en lui-même et pénètre jusqu’aux sphères supérieures de son propre être en donnant l’espace au divin de vivre en nous, au « Christ en moi ».

La fête de la Saint Jean est appelée à devenir plus qu’une fête du souvenir du Baptiste comme étant l’ultime représentant de l’ancienne grandeur cosmique, prête à « diminuer ». Ce sera une fête de la croissance du Christ. Lui, l’Esprit solaire, est entré dans le rythme de la respiration de la Terre. Il grandit sans cesse dans les âmes des hommes qui Le laissent habiter en eux. Il grandit de façon rythmée avec l’âme de la Terre au fil des saisons. Il suit son mouvement d’inspir jusqu’aux profondeurs de l’hiver et de la nativité. Il s’élève avec l’expir de la Terre vers le Soleil jusqu’à la fête du solstice à la Saint Jean. Le solstice d’été fait s’accorder et concorder l’ascension intérieure de l’homme et l’élévation cosmique. En elle, le Christ nous prodigue l’enseignement d’un nouveau sursum corda – le sens de l’ascension des cœurs. À la St Jean, nouvelle fête chrétienne qui renouvelle le lien de l’homme avec le cosmos, le christianisme s’emplit à nouveau de son caractère cosmique qui embrasse les hauteurs et les lointains des mondes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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