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Pensée michaélique                     

Emil Bock 

 

François d'Assise arriva un jour dans le village de Gubbio, qui était assailli par « un loup monstrueux, terrible et féroce, dévorant non seulement les animaux mais aussi les hommes ». Il sortit donc, marcha courageusement à la rencontre de la bête fauve et cria : « Viens ici, frère loup ». Et le loup vint, doux comme un agneau, et se coucha tranquillement aux pieds de François, écoutant sa prédication. À partir de cette heure, le loup fut au service de l'homme.

Cette légende nous donne une image prophétique de l’acte michaélique qui doit être accompli à grande échelle au sein de la pensée humaine.

Dans le cours de l'année, le temps de la Saint-Michel commence au seuil de l'automne, lorsque l'on entre dans la saison plus froide, la plus sombre. Ainsi, le courage spirituel michaélique, par lequel le cœur s'éveille en tant qu'organe de connaissance, nous permet d'apporter lumière et chaleur dans la zone hivernale froide de la pensée purement intellectuelle. Le jour de la Saint-Michel, le soleil est entré dans le signe astrologique de la Balance. L'amour du cœur éveillé au courage spirituel se place, en tenant la balance et en créant l'équilibre, entre l'abîme inconscient de notre être rempli d'instincts, et les pensées de notre tête, comme la feuille entre la racine et la fleur.

Vivre michaéliquement signifie unir l'intérieur et l'extérieur par la force courageuse du cœur. Et un début de la vie michaélique est la pensée rédemptée. Celui qui laisse l'amour s'écouler à partir des profondeurs de son être intérieur dans ses perceptions sensorielles et ses pensées, ne nomme plus les choses et les êtres du monde avec des mots prédéfinis : il les salue comme des frères et des sœurs. Sa pensée est à même de nommer avec révérence, retrouvant ainsi la mission divine de création (Genèse 2,19). La pensée michaélique apporte à l'homme, au-delà même du monde sensible, une vérité et une sagesse nouvelles et plus élevées. Elle devient la lance de Michaël avec laquelle il est possible de percer le voile des apparences, le pouvoir du dragon. Pour acquérir la vision, la pensée se transforme en esprit grâce au courage du cœur. 

Dans cette vision, l'homme devient, comme Richard Wagner le décrit : « connaissant par le sentiment ». Et comme Perceval, il devient « connaissant par compassion ». La lance de lumière de la pensée imaginative déchire le rideau de l'existence matérielle ; alors s'ouvre devant nous le domaine de l'esprit, où Michaël, entouré de ses anges, sert le Christ.

À partir d’une pensée non rédemptée, aussi ingénieuse soit-elle, on ne peut en fin de compte que parler du "déclin de l'Occident". Cependant, si au sein des circonstances les plus difficiles et des plus grandes adversités, partout, quelques hommes au moins éveillent leur âme à la pensée et à la vision michaéliques, nous pourrons alors légitimement parler non point du déclin de l'Occident, mais de l'avènement d'une nouvelle époque de révélation du Christ.  

 

Traduction : Richard Schnepp

Extrait du Präludium: Geistesmut im Denken [Prélude: le courage spirituel dans la pensée]
in Michaelisches Zeitalter – Die Menschheit vor dem Zeitgewissen. Editions Urachhaus. 1979.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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