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La peur de se tromper est déjà l’erreur elle-même     

Françoise Bihin - Août 2020  (Blog : fbihin.blog

Jésus allait vers les gens infréquentables de son époque. Pour ceux qui se considéraient comme « purs », la crainte des païens et de tous ceux qui étaient considérés comme les pécheurs était viscérale, très profondément ancrée. Les Juifs religieux qui suivaient la Loi à la lettre avaient réellement peur d’être contaminés par le mal incarné, selon eux, par de telles personnes. En les fréquentant, ils risquaient à leur tour de devenir impurs. La peur d’être contaminé par un autre a donc toujours existé… À cette époque, elle était de nature religieuse, spirituelle.

On peut comprendre cette peur, c’est un fait qu’on peut se laisser influencer, transformer par un autre, que ce soit sur le plan physique (virus, maladie contagieuse, etc.) ou psychique (habitudes malsaines, etc). Mais celui dont le Je est assez fort n’est pas influençable. Le Christ Jésus n’a aucune raison de craindre les gens considérées comme impurs : sa générosité et sa justice prennent largement le dessus. Elles « contaminent » positivement ceux qui le rencontrent et qui l’accueillent - car chez les autres, ceux qui se considèrent comme « purs », sa bonté et sa justice provoquent la colère et la haine contre celui qui remet trop en question leurs certitudes et leur position dominante. Par contre, on peut imaginer combien le comportement et les paroles de Jésus pouvaient être libérateur pour ceux qui étaient déconsidérés et rejetés !

La parabole du Fils prodigue (Luc 15) va encore plus loin que les deux premières : il s’agit cette fois d’un être humain, qui agit à partir de sa volonté propre. Il s’en va et dépense toute sa part de l’héritage. « Il se retrouve dans la misère ? Il l’a bien cherché, qu’il assume maintenant ! » Voilà ce que dirait le sens commun. Mais l’histoire continue, donnant raison à celui qui vit sa vie pleinement et sans peur. Chaque être humain est appelé à devenir un artiste, un créateur – y compris de sa propre vie. Créer signifie toujours chercher, avancer à tâtons, accepter d’aller trop dans une direction, pour rectifier ensuite. Sur le fronton de la gare de Stuttgart se trouve cette phrase de Hegel : « … daß diese Furcht zu irren schon der Irrtum selbst ist » (« … car cette peur de se tromper est déjà l’erreur elle-même »).

Ce fils saisit prend résolument le chemin de la liberté : quitter la maison du Père, vivre pleinement et peut-être, revenir. Le père – dont l’attitude est tout autant maternelle que paternelle - attend son fils, il se réjouit énormément de le revoir, il l’embrasse et lui pardonne aussitôt ses errements. Peut-être même que le père a pu évoluer grâce à son fils ? Qu’il a reçu de lui quelque chose de nouveau, grâce à son expérience dans un pays inconnu ou par suite de sa situation de misère ? Cet évangile, troisième étape entre la Saint-Jean et la Saint-Michel, est un encouragement à la prise de risque, à oser les écarts pour vivre librement. Il donne en même temps la perspective d’un Être divin infiniment bon et généreux, qui non seulement accueille à bras ouverts celui qui revient à lui, et qui en plus se réjouit personnellement de son retour. Ces retrouvailles sont une grande fête !

 

 

 

 

 

 

 

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