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Se connecter à l'esprit de bonté        

Jeana Lee - Prêtre à Chicago 

« Faites ce qu'il faut ! » C'est ce que nous enseignent dès l'enfance, de manière explicite ou implicite, notre famille et notre culture, notre religion. Mais comment déterminer ce qui est juste et comment s'y prendre pour le faire ?

La religion a longtemps eu pour rôle important d’orienter vers ce qui est juste, ce qui est bon. Cela a tout son sens lorsque nous reconnaissons à juste titre que le « bien » est en harmonie avec la volonté divine. Nous pouvons reconnaître un « esprit de bonté » qui inspire le désir profond de nombreux, voire de tous les êtres humains, de réaliser leurs objectifs divins. Nous avons la liberté de choisir ce que nous allons faire, et pourtant nous trouvons qu'il est intensément difficile de faire ce que nous estimons juste.  

Nous n'avons pas à nous en étonner ou à nous en affliger. Nous vivons tous avec une maladie chronique, la « maladie du péché » ou la « condition humaine ». Personne n'est immunisé contre cette maladie et nous ne pouvons pas la guérir par nos seuls efforts. Dans l'Évangile de Luc, lorsque Jésus est appelé « bon maître », il répond : « seul Dieu est bon ». Il poursuit en rappelant au jeune homme riche, qui a demandé comment obtenir la vie éternelle, tous les commandements qu'il doit suivre.  L'homme les a tous suivis, mais n'a pas encore atteint le bien. Si seul Dieu est bon, cela signifie-t-il pour autant qu’il ne nous reste qu’à oublier d'essayer de faire ce qui est « juste », en nous contentant de faire de notre mieux ? Ou existe-t-il une autre façon de se relier à Dieu et à la bonté, une façon d’évoluer vers nos aspirations profondes, inspirées par le divin ?  

Nous pouvons lutter contre notre maladie chronique de l'erreur et nous orienter vers la guérison et la bonté. Tout d'abord, nous pouvons reconnaître que nuire à quelqu’un, par malice par exemple, ne provient pas d'une intention consciente, ni de notre moi supérieur, plus sage. Dans son Épître aux Romains, Paul exprime sa propre expérience du péché, provenant d'un espace en lui qui est distinct de ses intentions conscientes :

Car je sais que nul bien n’habite en moi, je veux dire dans ma chair ; en effet, vouloir le bien est à ma portée, mais non pas l’accomplir : puisque je ne fais pas le bien que je veux et commets le mal que je ne veux pas. Or si je fais ce que je ne veux pas, ce n'est plus moi qui accomplis l’action, mais le péché qui habite en moi. Je découvre donc cette loi : quand je veux faire le bien, c’est le mal qui se présente à moi. Car je me complais dans la loi de Dieu du point de vue de l’homme intérieur ; mais j’aperçois une autre loi dans mes membres qui lutte contre la loi de ma raison et m’enchaîne à la loi du péché qui est dans mes membres. Malheureux homme que je suis ! Qui me délivrera de ce corps qui me voue à la mort ? (Rm 7:18-24)[1] 

Il veut le bien, mais il est incapable de l'accomplir. La maladie du péché est à l'œuvre en lui, alors même que son moi conscient et supérieur s'efforce d'accomplir la volonté de Dieu. La traduction littérale du mot grec hamartia, que nous connaissons sous le nom de « péché », est « manquer la cible ». Il est tellement humain de se dire « j'ai encore raté le coche, j'ai fait du mal là où je voulais faire du bien ». Il y a un décalage entre ce que nous désirons et ce que nous faisons réellement. Nous sommes tous, comme Paul, sujets au péché et à l'erreur, mais cela ne vient pas de notre intention, mais plutôt de notre maladie humaine commune. Nous commettons des erreurs, c'est inévitable : mais que faisons-nous alors, lorsque nous le reconnaissons ? Une solution est de saisir une occasion de se racheter. Contrairement à la faute résultant de l'inconscience, la bonne action, accomplie consciemment, ajoute à la vertu globale présente dans le monde.

Parfois, lorsque nous commettons une erreur, elle peut avoir de lourdes conséquences, et parfois nous répétons la même erreur plusieurs fois. De graves obstacles peuvent entraver notre capacité à reconnaître, à admettre ce que nous avons fait. Le manque de capacités morales solides peut constituer un tel obstacle, mais il en va de même lorsque nous nous attendons à devoir ne jamais faire d'erreurs. Si nous attendons de nous-mêmes la perfection, alors seul ce qui est parfait est autorisé à faire partie de notre sentiment de soi. Lorsque nous commettons des erreurs, nous pouvons avoir l'impression de devoir rejeter cette partie de nous-mêmes. Nous nous en dissocions, nous coupons la partie de nous qui s'est trompée et nous ne la ressentons pas comme nous appartenant. Nous pouvons la nier et donc ne plus la voir du tout. Nous devenons intérieurement divisés et pouvons ainsi poursuivre un schéma de transgression pendant des années, sans la reconnaître. C'est ainsi que certains des membres les plus honorés d'une communauté peuvent être les personnes qui commettent les dommages les plus graves.  

Cependant, nous pouvons prendre conscience des effets négatifs de nos actes lorsque nous admettons que les erreurs font partie de notre humanité. Lorsque nous pouvons accepter nos torts et nous permettre d'être des êtres humains imparfaits, défectueux et souffrant de maladies chroniques, nous pouvons commencer à intégrer nos échecs dans notre sentiment d'identité. Après avoir reconnu l'erreur, le désir de se remettre en phase avec notre moi supérieur, avec la volonté divine, et de faire amende honorable, grandit en nous.

Nous pouvons commencer à guérir. Dans ce processus, nous gagnons en acceptation et en humilité - vertus en soi -, car nous permettons à nos erreurs de nous faire évoluer vers une plus grande bonté.  Comment faire amende honorable ? Parfois, c'est évident – comme par exemple une simple excuse verbale – mais d'autres fois c'est plus compliqué, moins clair. En tant qu'enfants, nous avons des adultes sages pour nous guider, mais en tant qu'adultes, nous pouvons nous tourner vers notre propre sagesse, vers l'esprit de bonté qui travaille en nous. Nous pouvons désirer agir en accord avec la volonté divine, qui n'exige rien et ne contraint personne. 

C'est par notre propre intention consciente que nous pouvons devenir réceptifs à la guidance divine.  Une inspiration créatrice sur la manière de remédier à une situation donnée peut nous apparaître. Nous pouvons accepter que, par nous-mêmes, nous commettions des erreurs, que nous péchions. Nous pouvons devenir sincèrement désireux de corriger nos erreurs.  Ce faisant, nous pouvons tourner notre volonté vers Celui qui est vraiment bon. L'esprit de bonté peut agir en nous et à travers nous, et nous pouvons ainsi faire croître la substance morale et la vertu dans le monde.  

 
[1] Extrait de l’Épître tiré de La Sainte bible (École biblique de Jérusalem)

Titre original : Do the right thing! Connecting to the spirit of goodness
Texte intégral publié dans la revue « Perspectives – March-May 2022 »]

Traduction / adaptation :  Philia Thalgott
avec l’aimable autorisation de l’éditeur de Perspectives (Royaume-Uni)
www.thechristiancommunity.co.uk/PV-test

 

 

 

 

 

 

 

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