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Communautés au service de Michaël       

Taco Bay
Premier Recteur pendant 25 ans au sein du 'Cercle des Sept' de la Communauté des chrétiens 

 

Dans les années qui ont entouré la fondation de La Communauté des chrétiens, Rudolf Steiner a évoqué à de nombreuses reprises l’être de l'Archange Michaël, l'esprit temporel principal de l'époque qui a commencé en 1879, et dont la lumière éclaire le destin actuel de l'humanité. Il a également parlé de la façon dont, en cette période, Ahriman prépare son incarnation. L'événement spirituel le plus important de notre temps est cependant la réapparition du Christ dans la sphère éthérique de la terre, dans l’espace de la vie[i].

Rudolf Steiner, a décrit comment Michaël s'est tenu aux côtés du Christ depuis la chute de l'homme, restant fidèle à l'humanité à travers toute l'évolution, et gardant ouvert le chemin de l'homme vers la liberté et le retour au monde céleste[ii].

La tâche de Michaël est rendue d'autant plus difficile depuis l'Incarnation du Christ, car il n'intervient que lorsque les êtres humains se tournent vers lui pour lui demander de l'aide[iii]. Ce geste de renoncement à sa propre volonté ne peut être comparé peut-être qu'aux parents qui observent les premiers pas de leurs enfants vers l'autonomie.

Nous devons notre connaissance de l'importance de Michaël pour notre époque à la recherche spirituelle de Rudolf Steiner, dont la tâche principale était de montrer à l'humanité un chemin chrétien, notamment en termes de réincarnation et de karma, par opposition à l'ancienne voie orientale.

Ce n'est que par cette connaissance que l'être humain peut être perçu dans sa vraie nature, en tant qu'être spirituel. Avec cet arrière-plan, je voudrais décrire trois domaines dans lesquels Michaël a été agissant dans le chemin d’évolution de l'humanité.

Apprendre à penser avec le cœur

Premièrement, nous voyons Michaël à l'œuvre dans le développement de la pensée. Dans la Grèce antique, la pensée n'était pas encore individualisée, mais reçue directement du monde spirituel. Les êtres humains se sentaient inspirés par des êtres spirituels directement dans leurs pensées, et les pensées elles-mêmes étaient des êtres spirituels. Dans les Lignes directrices de l’anthroposophie (GA 26), Rudolf Steiner décrit comment la pensée perd progressivement son lien avec le monde spirituel et devient de plus en plus abstraite. Nous sommes libres de penser de la bonne façon ou de la mauvaise façon. La possibilité de se tromper est un grand cadeau du monde spirituel. Les Grecs n'étaient pas libres de penser de manière erronée.

La philosophie grecque montre ce pas en avant vers la liberté de penser. Les arguments logiques des sophistes ont été une première tentative d'utiliser la pensée contre la pensée. Ils ont montré que l'expérience de la pensée avait changé ; les pensées étaient désormais irréelles. Aujourd'hui, nous pouvons penser comme nous le voulons, sans nous sentir responsables des conséquences de nos mauvaises pensées.

Le domaine de la pensée est le domaine de la liberté. Nous pouvons imaginer que Dieu a retiré son pouvoir créateur de ce domaine afin de nous permettre de faire l'expérience de cette liberté.

Il nous a donné la possibilité de développer notre liberté dans le domaine de la pensée permettant ainsi au monde divin de s’y manifester à nouveau - ou non, si nous le souhaitons. Michaël est intimement lié à ce monde. Sa question silencieuse peut être entendue de cette façon : l'homme apprendra-t-il à penser d'une manière qui ne l'éloigne pas du divin, mais qui le mène à lui ?

Michaël voit ce qui reste invisible pour les êtres humains : les pensées qui ne sont pas tournées vers le divin sont usurpées par Ahriman, l'être de l'abstraction sans esprit.

Lucifer - l'être dont les tentations veulent nous faire échapper à la réalité terrestre - joue également un rôle dans nos pensées. Il désire utiliser la liberté de penser de l'homme pour l'éloigner de la terre. À partir des 15e et 16e siècles, un autre type de pensée se développe au gré du royaume d'Ahriman. Il s'agit d'une intelligence mathématique, qui voit des structures partout et veut enchaîner tout ce qui apparaît dans sa sphère. Elle conçoit la nature comme totalement structurée et figée et insuffle à l'homme que tout est entièrement déterminé par la loi naturelle mathématique, complètement dépourvue de toute liberté. Personne ne peut s'opposer aux mathématiques. C'est la volonté d'Ahriman qu'il n'y ait aucune liberté.

La préoccupation de Michaël est que le milieu, le cœur, devienne l'organe par lequel l'homme peut trouver sa relation au divin dans un équilibre entre Lucifer et Ahriman. La sagesse du sentiment ne connaît cependant ni ordre ni structure.

Michaël apporte son aide et suscite la question : comment la logique intérieure de la pensée peut-elle devenir le centre de l'être humain, sa sagesse et son orientation ? La réponse à cette question est remarquable : cela se réalise par l'entrée du Christ dans l'évolution de l'humanité. Le christianisme n'est pas une simple religion : c'est une impulsion universelle dans l'humanité, le cosmos et la terre.

Le plus grand espoir de Michaël et son souhait pour l'avenir est que les êtres humains apprennent à penser avec leur cœur. C'est ce que nous trouvons dans les conférences de Rudolf Steiner sur la mission de Michaël pour l'évolution de la terre. On en trouve également l'écho dans les prières de la Saint-Michel de la Communauté des chrétiens.

Perception et impulsions

Cette pensée du cœur nous conduit à la deuxième sphère d'action de Michaël. Le cœur pensant peut devenir un organe de perception du retour du Christ dans la sphère de la vie, qui est elle-même un écho des actes dits pré-terrestres du Christ, dans lesquels Michaël a aidé à écarter la menace du chaos et de l'égoïsme qui engloutissait les êtres humains par l'action des puissances adverses dans les domaines des sens, des organes corporels et des forces de l'âme humaine.

La troisième sphère d'activité de Michaël conduit à l'impulsion de constitution de communautés. Outre le fait que Michaël était le gardien de l'intelligence cosmique, outre son activité préparatoire à l'incarnation du Christ, il était aussi l'esprit du peuple d'Israël. Michaël était connu dans les temps pré-chrétiens comme la face de Yahvé. Dès le début de l'ère chrétienne, Michaël est perçu comme la face du Christ. La face révèle l'aspect le plus intime, le plus intérieur du Christ.

L'Ancien Testament décrit l'histoire des Israélites qui sont guidés par Michaël. Partout où l'Ancien Testament mentionne « la face », il y a un témoignage de l'activité de Michaël[iv]. Le plus bel exemple est la bénédiction d'Aaron :

Que Yahvé te bénisse et te garde
Que Yahvé fasse pour toi rayonner son visage et te fasse grâce
Que Yahvé te découvre sa face et t’apporte la paix.

À travers cette bénédiction resplendit l'être de Michaël.

Communauté nouvelle à la lumière de Michaël

La formation d’une communauté est entièrement différente depuis le Mystère du Golgotha. Cela apparaît clairement depuis le début du règne actuel de Michaël en 1879. La communauté d'Israël était formée sur la base des liens du sang ; maintenant, la liberté est le principe de formation d’une communauté. Michaël vise des communautés de personnes qui s'unissent dans la liberté pour un but commun dans l'intérêt de la Terre, de l'humanité et du Christ.

Il s'oppose aux forces retardatrices des ténèbres qui utilisent pour leurs objectifs les impulsions dépassées de l'hérédité du sang. Avant que Michaël ne devienne l'esprit du temps, il a vaincu les forces des ténèbres dans le monde spirituel pour le bien de l'humanité et a ainsi libéré le chemin pour les nouvelles communautés[v].

Une communauté qui veut servir Michaël naît lorsque des êtres humains s'unissent autour d'une tâche terrestre concrète et sont prêts à subordonner leurs impulsions de volonté personnelles à la liberté. Cela peut devenir réel dans les situations où des êtres humains s'efforcent ensemble d'atteindre des objectifs plus élevés que ce que chacun d'entre eux pourrait réaliser seul. Il s'agit par exemple d'entreprises sociales, de communautés religieuses et thérapeutiques. Les gens s'unissent également au service de la terre et de l'humanité, pour le soin du sol, dans l'agriculture. Le facteur d'unité est désormais la volonté consciente de l'individu et non plus le lien du sang.

Ce que Michaël a réalisé en tant qu'esprit du peuple à l'époque de l'Ancien Testament est maintenant transformé. Il soutient les communautés qui s'unissent à ses objectifs pour l'humanité. Les forces adverses essaient de poursuivre la formation de communautés sur la base de l'ancien principe de l'hérédité, comme nous le voyons dans les mouvements nationalistes qui renvoient à un ancien type de vie communautaire.

Des communautés qui servent Michel avec des forces différentes

Ces trois impulsions de Michaël trouvent un triple reflet dans le mouvement anthroposophique. Les résultats des recherches de Rudolf Steiner sont étudiés et approfondis de manière méditative sur la base de ses conférences et de son œuvre écrite. Il faut éviter de confondre l'enseignement de Steiner avec d'autres courants de la connaissance du karma, principalement orientaux. Le chemin de la connaissance à la lumière de l'Esprit du temps, Michael, doit être poursuivi par l'étude et la méditation. De nouvelles impulsions peuvent en découler dans tous les aspects de la vie.

Michaël est également agissant dans la Communauté des chrétiens, le mouvement pour le renouveau religieux. Ses sacrements, qui sont sous la protection de Michaël, peuvent permettre au Christ d'agir jusque dans les profondeurs de notre existence terrestre, avec toutes ses implications karmiques.

La transsubstantiation du pain et du vin à l'autel est l'événement central de la vie de la Communauté des chrétiens. L'un des plus grands défis donnés par Rudolf Steiner aux prêtres fondateurs était de reconnaître l'action des mêmes lois qui sont à l'œuvre dans le karma et la réincarnation, dans la transformation du pain et du vin à l'autel. La connaissance qui découle de la recherche anthroposophique devient une réalité terrestre dans les sacrements.

La troisième communauté qui nous intéresse dans cet article n'a pas été fondée par Rudolf Steiner. La Communauté Camphill doit son existence à l'initiative du cercle autour de Karl König, qui a voulu « faire de l'anthroposophie »[vi] au service de Michaël, à une époque où l'arrivée au pouvoir d'Hitler révélait les forces des ténèbres avec une clarté sans précédent. La communauté Camphill s'efforce de former des communautés de vie et de travail qui tentent de guérir l'image déformée de l'être humain et de la terre qui souffre.

La communauté Camphill n'a pas sa propre fondation ésotérique, mais essaie de travailler à partir de l'anthroposophie et côte à côte avec la Communauté des chrétiens. Les communautés Camphill, qui travaillent dans le domaine de la pédagogie curative et de la thérapie sociale, avaient à l'origine pour objectif de mettre en pratique de nouvelles manières de traiter l'argent, de telle sorte que les liens entre les êtres humains, à travers les lois spirituelles du destin karmique, deviennent visibles.

Karl König a placé les forces de guérison de la vie religieuse au centre de la communauté, par exemple lors de la soirée biblique du samedi soir. Des recherches anthroposophiques sont entreprises, notamment dans les domaines de l'étude de l'être humain, de la pédagogie curative et de la sociothérapie. Une multitude de communautés de vie et de travail sont nées de cet élan et forment ensemble une sorte de famille michaélique.

Dans l'activité de Michael en tant qu'Esprit régent de l'époque actuelle, nous pouvons voir trois idéaux qui veulent devenir réalité à notre époque. Il s'agit d'une trinité vivante, active, créative, qui est en même temps une unité, et dans laquelle on peut voir un reflet sur terre de la trinité divine.

Il faut dire que dans les trois mouvements, la lutte pour réaliser les idéaux originels est loin d'être terminée. Ce que Rudolf Steiner a dit à la fin de ses conférences sur La Mission de Michaël est toujours d'actualité :

J'ai souvent affirmé la vérité profonde selon laquelle nous devons prendre en compte la signification historique mondiale du Mouvement Anthroposophique, en regardant au-delà des trivialités, mais en voyant aussi les petites impulsions dans leur sérieux et leur grandeur[vii].  

Réflexions sur la conférence Constituer une communauté à la lumière de Michaël, Dornach, 24-27 sept. 2009

 

Article paru dans Perspectives (2009). Traduit et publié avec l‘aimable autorisation des éditeurs de « Perspectives » (Royaume-Uni)
http://perspectives-magazine.co.uk/  
Traduction/Adaptation : Philia Thalgott. 


[i]  p. ex. Luc 21 et Actes 1

[ii]  GA 194 : La mission de Michaël et GA 26 : Les lignes directrices de l’anthroposophie

[iii]  GA 26

[iv]  L'endroit au bord du fleuve où Micaël a combattu toute la nuit avec Jacob se nomme ‘Penuel’, ce qui se traduit par « face de Dieu ». Lorsque Moïse rencontre Yahvé au mont Sinaï, sa face rayonne de tant de lumière qu'il doit la cacher devant le peuple.

[v] Par exemple, GA 177 : La chute des esprits des ténèbres. L'arrière-plan spirituel du monde extérieur. Les êtres spirituels et leurs effets (Dornach, septembre octobre 1917)

[vi]  GA 217 : La rencontre des générations. La jeune génération

[vii]  GA 194 : 30 novembre 1919  


 

« GA » : Le répertoire des œuvres complètes de Rudolf Steiner a été réalisé en langue allemande en tant que ‘Gesamtausgabe’ (GA), chacune étant numérotée. Liste thématique des ‘GA’ : site éditions Triades. Liste chronologique : site L’eurythmiste

 

 

 

 

 

 

 

 

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