Résister à l'accablement actuel
Philippe Aubertin - Prêtre
En évoquant l’atmosphère régnant en France deux ans avant la nuit de la Saint-Barthélemy, Michel de Montaigne parlait de « l’air grossier et pesant d’une malplaisante saison ». Les deux années que nous venons de vivre nous ont fait respirer un air grossier et pesant.
Et si nous sommes encore incapables d’estimer les conséquences et la portée des tensions mondiales causées par la guerre en Ukraine, nous savons d’ores et déjà que nous allons au-devant d’une « malplaisante saison » ; ceux qui vivent actuellement à Kiev ou à Marioupol en savent quelque chose.
L’adversaire de l’homme, depuis des mois, semble avoir la bride sur le cou et nous met tous à l’épreuve. Rien ne paraît pouvoir empêcher son œuvre de saccage, dehors, dans le monde, mais aussi à l’intérieur des âmes. La propagande mensongère, la haine, la division, le désespoir ont atteint des niveaux critiques.
Comment pouvons-nous résister à cela ?
L’important, dans une telle épreuve, est de rester en accord avec soi-même, fidèle à son intime conviction, tout comme le Christ Jésus demeura en accord avec lui-même et fidèle à son être divin quand le diable le tenta par trois fois sur le mont de la Quarantaine ; quitte à aller jusqu’à l’épuisement et à la mort, il est vital de demeurer à l’aplomb de sa conscience, quoi qu’en pense le monde.
Jésus-Christ dit aux siens : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, mais qui ne peuvent tuer l’âme. En revanche, celui qui peut détruire l’âme, craignez-le. »
Le diable peut détruire l’âme humaine. C’est son projet, et il s’y emploie avec fureur, afin que nous soyons entièrement à lui, et non plus à Dieu. Opposons-lui la parole sacrée de notre être intime ; invoquons ce que l’Acte de consécration de l’homme appelle « notre persistance originelle en l’Esprit » ; respectons-nous nous-mêmes en honorant la vérité de notre être propre ; et soyons conscients que face à la souffrance imposée, il est essentiel d’espérer, car seule la vertu de l’espérance permet de créer un avenir viable.
La veille de sa mort, le Christ Jésus a dit à ses apôtres qu’il était hors d’atteinte du diable. Il était absolument souverain, et c’est en toute liberté qu’il a porté sa croix. Nous ne sommes pas le Christ, mais nous pouvons au moins mettre nos pas dans les siens. Ce que le Christ a subi durant le temps de sa Passion jusqu’au Golgotha, il l’a assumé, parce qu’il vivait en union avec le Père. En vivant en union avec le Christ, nous assumerons aussi ce qui nous attend – dans l’espérance du Salut.