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Le cycle de l'année

Cynthia Hindes - Article paru dans Perspectives chrétiennes - Saint-Jean 2016 

Notre propre cœur est une place mystérieuse. On peut le décrire comme un point de croisement entre le monde intérieur et le monde extérieur, entre le haut et le bas, entre l'avant et l'arrière, tout ceci ayant le potentiel d'être infiniment grand. En tant qu'espace intérieur, notre cœur pourrait être de toute dimension, il pourrait être une pièce sombre dans laquelle nous n'entrons presque jamais ; ou cela pourrait être un espace intérieur aussi vaste que l'univers lui-même. Cet espace intérieur prend la mesure de ce que nous chérissons, car « où est ton trésor. là aussi sera ton cœur ».

Ce que nous chérissons du monde, des personnes, des choses et des créatures, de Dieu, forme un trésor dans l'espace intérieur du cœur. Plus nous le remplissons de trésors, plus l'espace du cœur s'élargit.

Nos cœurs, comme tout autre espace, ont aussi des qualités : les cœurs peuvent être pleins ou vides. On peut avoir bon cœur, avoir un cœur généreux, un cœur sensible. Nos cœurs peuvent s'enflammer, se briser, s'ouvrir. Les cœurs ont aussi des buts et des intentions. Et ils ont leurs saisons. Les épîtres sont des lettres de Dieu qui nous sont adressées et qui ont une action sur les saisons de notre cœur. Ce sont aussi des messages que nous envoyons au Dieu en nous et au Dieu dans le monde. Dans cet article et dans les suivants, nous nous pencherons sur ces saisons du cœur en accompagnant le cœur comme motif dans chacune des épîtres et des prières des différentes fêtes.

Le mot « épître » veut simplement dire « lettre ». Au début des premiers rassemblements de chrétiens. les lettres de l'apôtre Paul étaient lues. Quand ces rassemblements évoluèrent et devinrent la Messe, la pratique continua, et c'est ainsi qu'avant la lecture de l'évangile une partie d'une des lettres de Paul était lue. Au début de !'Acte de consécration de l'homme, au lieu de lire des lettres de Paul, nous entendons « des lettres » qui proviennent du monde angélique et du plus profond de nos cœurs. Le message qu'elles portent est lu à nouveau à la fin. Mais, après tout ce que nous avons offert, après tout ce qui s'est passé au cours de l'office. après tout ce que nous avons reçu. combien cette lettre résonne différemment!

Chaque moment de fête a sa propre épître. En plus. pour chaque fête, il y a une prière d'insertion. Cette prière vient d'habitude après le Credo, sauf aux moments des solstices. quand elle résonne après !'Offertoire. Ensemble l'épître et la prière d'insertion nous donnent un message sur l'interaction de nos cœurs avec le monde spirituel au fur et à mesure qu'elle change au cours de l'année. Chacune d'elles parle au plus profond de notre être. Elles sont un miroir et l'expression de ce qui se passe dans notre cœur.

Dans la Communauté des chrétiens, neuf fêtes sont célébrées dans le cours de l'année, trois triades de trois. Chaque fête possède sa propre épître. De plus, le temps de la Passion en a deux, et le temps de Noël trois. Il y a donc douze épîtres. Et il y en a une treizième, l'épître trinitaire. Cette épître trinitaire apparaît quatre fois dans l'année. entre !'Épiphanie et la Passion, entre la Pentecôte et le temps de la Saint-Jean. entre la Saint-Jean et la Saint-Michel et entre la Saint-Michel et l'Avent.

Les solstices d'été et d'hiver sont le jour ou la nuit les plus longs. C'est le midi ou la minuit, « l'apogée ou le périgée» de l'année.

Les fêtes de l'année chrétienne ne sont pas fondées sur un cycle de quatre saisons, mais sur l'année comme cycle d'un jour. Ce cycle d'un jour sous-tend le fait que, quelle que soit la date, cette date est la date pour toute la Terre, indépendamment du niveau d'ensoleillement ou du temps. Une année est comparable au cycle d'un jour et d'une nuit : la lumière naît à un solstice, elle a son matin à l'équinoxe suivant, son midi au solstice opposé, son soir au prochain équinoxe. Et la lumière recommence à paraître à nouveau. Bien que les quatre saisons trouvent leur plus grande expression dans les zones tempérées, elles ne sont pas la source de nos fêtes chrétiennes. Elles sont plutôt le vêtement que le Christ, !'Esprit de la Terre, revêt. Les saisons de la nature, au Nord et au Sud, sont le vêtement ondulant et toujours changeant pour Celui qui, depuis Son Ascension, habite toute la Terre qui devient Son Corps.

Ensemble, les polarités complémentaires du Nord et du Sud forment un tout. Elles sont l'expression des polarités qui existent entre toutes les couleurs possibles de l'âme, qui sont néanmoins intégrées en un tout par Celui qui les remplit toutes en même temps dans un maintenant éternel. C'est une réalité que nos esprits linéaires ont du mal à saisir, à part dans de courts moments d'intuition : comment l'éternité contient le temps ; comment le temps, bien que séquentiel, est le vêtement de l'éternel. Le temps est la façon pour Dieu pour que tout ne se passe au même moment. Et pourtant tout se passe en même temps, car le Christ est un être éternel, tout ce que le Christ a fait, il continue de le faire éternellement ; tous les endroits intérieurs ou extérieurs qu'il a occupés, il les occupe encore, du plus haut des cieux au centre de la Terre. Le cours de l'année liturgique étale tout cela en un tableau, pour que nous puissions contempler chaque « partie » séparément. Mais en réalité, ces parties ne sont pas séparées ; les événements christiques continuent d'advenir, pour toujours et à jamais. Ils se passent et évoluent continuellement et partout à la fois. Le défi pour ceux qui habitent un hémisphère donné est d'imaginer comment la saison opposée n'est cependant qu'une autre expression, une autre couleur, une autre couche que le Christ porte un jour donné ou une fête donnée de Son année.

Le cycle des lectures d'évangile que Rudolf Steiner a suggéré pour le cours de l'année liturgique est une indication de comment ces polarités forment un tout, bien que ces textes s'étalent dans l'espace et à travers le cycle de l'année. De l'Avent à la Pentecôte, les lectures d'évangile suivent le cours de la vie du Christ-Jésus sur la Terre. Puis au solstice de juin. à la Saint-Jean, les lectures semblent recommencer le cycle. Or maintenant nous n'entendons pas parler de la naissance du Christ-Jésus, mais de son Baptême. Les lectures d'évangile autour du Baptême au mois de juin nous rappellent comment l'homme Jésus répondit à l'approche du Christ en s'ouvrant à recevoir le Christ, !'Esprit de l'amour du Père. Tout le long de dix semaines, en août et septembre. viennent des lectures de ses guérisons et de ses enseignements. Nous sommes stimulés par la reconnaissance du Christ en Jésus par Pierre ; par l'envoi en mission dans le monde avec le message des bonnes nouvelles venant du règne des anges. Les dix semaines du temps trinitaire culminent avec la résurrection du fils de la veuve de Naïn à la fin du mois de septembre. Nous ressentons de l'empathie pour une personne qui est morte prématurément, avec l'allusion faite aux thèmes de la Passion et de Pâques.

Ensuite vient l'appel de la Saint-Michel avec l'invitation au mariage du Fils. Nous reconnaîtrons peut-être que notre réponse à l'invitation de célébrer le mariage divin à la Saint-Michel est une octave future de la Pentecôte. En novembre, l'activité du Christ dans les temps futurs est décrite par la lecture de !'Apocalypse de Jean, alors que la spirale conduit à nouveau vers un autre temps de !'Avent.

La première partie de l'année liturgique célèbre et nous aide à revivre le passé - ce que le Christ a fait pendant son Incarnation, du point de vue historique et macrocosmique. La deuxième partie du cycle est une variation sur le thème de la première, mais dans une autre clef. C'est la réponse des êtres humains à l'incarnation du Christ, sa mort, sa Résurrection et son Ascension. La deuxième partie du jour de l'année nous rappelle que ce qu'il a fait n'a de sens que si nous le prenons en nous-mêmes et le laissons vivre de façon microcosmique en nous. La deuxième séquence de la Saint-Jean à I' Avent permet à la révélation du Christ de se penser en nous. Elle nous rappelle qu'il vient toujours à nouveau, dans un futur continu qui approche pour lequel nous devons nous préparer.

La première partie de l'année, c'est l'appel ; la deuxième, la réponse. La deuxième partie est le cycle interne du cœur dans le cycle macrocosmique plus large du cœur du Christ. Dans la deuxième moitié de l'année, il meurt à nouveau, ou renaît en nous. Nous avons alors l'opportunité de rendre notre relation immédiate, intime et personnelle, pour le bien du monde entier.

La Saint-Jean

La Saint-Jean commence le 24 juin, l'anniversaire de Jean-Baptiste, juste après le solstice d'été. La fête couvre quatre dimanches et les semaines liées à ces dimanches, jusque vers la fin de juillet. Jean, c'est « l'ange de l'annonciation » pour toute l'humanité, avant le baptême de Jésus. Jean est la sage-femme de l'incarnation du Christ en Jésus au moment du Baptême.

L.'autel et les vêtements au temps de la Saint-Jean sont blancs et jaunes. Le jaune et le blanc de la Saint-Jean nous mènent à ressentir comment tout s'éclaire devant la plus grande lumière. Le cœur s'étonne devant la lumière, dans une atmosphère d'espoir et de réalisme. Mais le symbole habituel au dos de la chasuble se transforme mystérieusement en huit losanges séparés. Sept complète un cycle ; le huitième commence un nouveau cycle. Le losange est formé de deux triangles conjoints, le triangle de feu qui pointe vers le haut, le triangle de l'eau qui pointe vers le bas. Ces losanges sont comme des diamants. Le diamant est de la substance terrestre qui réfracte la lumière. Dans le symbole du diamant, le ciel et la terre sont unis.

L.'épître commence sur un ton de louange ; ce ton se consolide dans un sentiment de gratitude envers le Père, pour tout ce qu'il a fait et continue à faire. L'épître est prononcée à partir du nous collectif. Après ce début sur un ton de gratitude, la prière passe à l'émerveillement face à une grande vision cosmique. Le geste d'ouverture du cœur, rempli de gratitude, nous permet de percevoir ce monde vivant qui flue rempli de lumière et qui se concentre dans l'être du Christ solaire. Nous voyons encore une fois dans une large vision macrocosmique comment cet être du soleil descend vers la terre ; comment il se place sur terre et dans l'humanité comme une graine salutaire. Nous entendons comment, en présence du Père, Jean annonce le verbe de flamme, nous enjoignant à changer notre façon de penser, à changer notre cœur et notre façon d'agir. Ce désir de changement vient de la conscience que nous avons de notre culpabilité et notre besoin de guérison. Nous demandons que ce verbe de flamme de changement du cœur et du penser brûle dans nos cœurs, comme nous nous adressons à Celui qui donna naissance à la vie qui guérit dans la mort et hors de la mort. Nous reconnaissons l'acte de révélation de Jean dans notre perception de la lumière spirituelle ; et nous exprimons notre désir de recevoir la lumière d'amour du Créateur.

Dans la prière d'insertion, nous demandons à l'être de Jean-Baptiste de percevoir notre Acte de consécration, notre offrande commune de substances terrestres et du Soi. Jean est le représentant de l'humanité déchue. Néanmoins, il est entouré par l'esprit d'amour du Père. Nous lui demandons de nous accompagner, alors que commence l'offrande de substances terrestres et de substance d'âme, à l'intérieur de l'acte d'offrande continu du Christ, pour la prochaine phase de notre voyage sur le chemin de la deuxième partie de l'année. La Saint-Jean est à la fois la seconde fête de la dernière triade des fêtes chrétiennes - Pentecôte, Saint-Jean, Saint-Michel. C'est à la fois le milieu et un nouveau commencement.

1. Matthieu 6. 21 : Luc 12. 34

2 Les textes liturgiques sont censés être entendus dans le contexte d'offices au Divin, dans lesquels ils sont insérés, et non pas lus. t.:espoir de l'auteure est que ces contemplations sur le thème des saisons du cœur dans les épîtres accompagneront et prépareront les auditeurs à entendre et à vivre plus profondément avec les mots et l'atmosphère des fêtes chrétiennes. t.:auteure doit beaucoup à l'ouvrage de Hans-Werner Schroeder. Die Episteln der Menschenweihehandlung. Stuttgart 2010, pour le contenu de cet article.

3. Attribué à Woody Allen et à d'autres suivant le contexte.

Traduit de l'allemand par Josiane Sim.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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