­

La perception du Christ     

Marie Françoise Cuvillier - Article paru dans Perspectives chrétiennes - Printemps 2001

Le début des Actes des apôtres, qui raconte l'événement de l’Ascension, nous laisse sur une question profonde. En effet, le message qui est donné aux disciples après la disparition du Ressuscité dans la nuée est « qu'il reviendra comme il est parti ». Il nous faut donc comprendre qu'il réapparaîtra dans la nuée. Qu'est-ce que la nuée, si ce n'est le monde de l'eau en suspension dans la biosphère, le monde de la vie et des éthers que nous appelons aussi le monde éthérique ?

Ici et là, nous avons peut-être déjà entendu dire que cette apparition du Christ dans le monde éthérique est pour aujourd'hui ; que certaines âmes prêtes pour cette rencontre peuvent le percevoir comme Paul en avait fait l'expérience sur le chemin de Damas : le percevoir et le reconnaître.

Qui, en entendant cela, ne s'est pas posé la question : « Comment se préparer à une telle perception ? »

Pour quelques-uns, cette préparation peut s'accomplir par l'éveil de nouvelles facultés de l'âme qui se développent en pratiquant des exercices spirituels. Mais pour le plus grand nombre, c'est la vie elle-même qui est exercice, pour peu que l'on accepte de se laisser toucher et enseigner par la réalité qu'il nous est donné de vivre.

Or il est intéressant de remarquer que, dans le récit de la Résurrection selon Marc, trois situations de vie sont décrites qui débouchent sur la perception du Christ ressuscité.

La première personne à le voir et à le reconnaître est Marie de Magdala. La seule chose qui est dite ici à son sujet est que c'est bien la femme dont sept démons sont sortis. Pour que la guérison de son âme ait pu avoir lieu, il lui avait fallu accomplir plusieurs pas intérieurs. Il lui avait fallu se reconnaître dans l'ombre de l'erreur : acte de connaissance de soi. Puis, elle avait su reconnaître la vraie lumière et le vrai amour, et elle s'était tournée résolument vers celui qui incarne la lumière, l'amour et la vie : acte de reconnaissance du divin manifesté. Enfin, elle avait confessé sa faute, au risque de se faire insulter et rejeter par l'entourage : acte de confiance dans la vie, dans l'aide qui vient du monde spirituel.

En son âme, le fruit de ces trois actes de connaissance lui donne accès à la reconnaissance de la présence du Ressuscité. La connaissance de soi, la reconnaissance de l'être divin et la confiance dans ce qui peut se tisser entre le divin et soi-même ouvrent la conscience pour la perception du Christ. Cette démarche est celle du chemin intérieur de l'individu, qui accepte par des remises en question de s'éveiller à la réalité de ce qu'il est et vit. Cette maturation de l'âme s'appuie essentiellement sur ce que l'on appelait autrefois l'examen de conscience et que nous retrouvons aujourd'hui sous une forme nouvelle, et détachée du jugement moral, dans la rétrospective de la journée.

Le deuxième tableau de l'Évangile de Marc nous montre deux disciples en chemin. Ils se confient leurs questions à propos de ce qu'ils ont vécu. Ici c’est le fait de cheminer ensemble qui est initiatique. Que ce soient deux amis, ou même deux collègues de travail, ou encore un couple, ce qui importe est que l'on ose en toute vérité confier ses questions profondes pour arriver à plus de clarté. La volonté d'écoute de l'autre joue un rôle déterminant, car ce qui se tisse d'âme à âme peut devenir le point de départ d'une expérience intérieure. Le cœur s'ouvre, et les conditions nécessaires à l'approche du Christ, puis à sa perception et à sa reconnaissance se trouvent réunies. C'est dans ce sens que l'Évangile de Luc dit dans ce récit des disciples d'Emmaüs : "Notre cœur n'était-il pas tout brûlant quand II nous parlait en chemin ?"

Si pour Marie Madeleine la clef de sa perception se trouve dans l'éveil de sa conscience, ici c'est principalement l'éveil des forces du coeur par l'écoute qui crée la possibilité de percevoir.

Le troisième récit est celui des onze apôtres réunis dans le cénacle. Ils se sont rassemblés ce soir-là malgré tout ce qui les avait ébranlés les derniers jours. Ils s'étaient retrouvés pour un repas comme au soir du jeudi saint, eux qui s'étaient dispersés dans le jardin de Gethsémani. Et là, Il est soudain au milieu d'eux.

Ici, nous touchons à une troisième réalité profonde qui prépare l'homme à la perception du Christ : le fait de se rassembler pour accomplir en commun un acte, à la fois humain et divin. C'est le fait d'apprendre à unir sa volonté à celle des autres pour un partage. La prière communautaire, qui forme le réceptacle pour sa présence, est source de force intérieure. Peu à peu, elle engendre en chacun la capacité de perception, tout en rendant sensible sa présence.

Dans ce sens, ce qui prépare ici l'âme humaine à la perception du Christ est une métamorphose profonde de sa propre volonté égo- centrée en une capacité de partage et de communion. La volonté devient alors la base d'une transformation intérieure qui nous rend plus réceptif à la présence du Ressuscité.

Voici, décrits par Marc, trois chemins vers Celui qui espère être perçu et reconnu :

  • une conscience de soi plus claire qui permet une communion personnelle au divin ;
  • un échange de cœur à cœur dont la communion du couple dans le mariage est l'image archétypale ;
  • le partage d'un acte communautaire où la volonté des individus s'unit en communion.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

­