Impulsion du christianisme
Nous sommes non à la fin du Christianisme, mais au début. Christian Morgenstern
Il y a maintenant plus de deux mille ans que le Christ a marché sur la terre, qu’il a enseigné, est mort et ressuscité. Deux mille ans de développement de courants chrétiens les plus divers. Certains d’entre eux se sont imposés, opposés violemment, y compris par des guerres sanglantes ; non seulement entre eux mais aussi en massacrant les tenants d’autres religions, d’autres courants philosophiques. Cette longue histoire pourrait faire douter de la valeur du message chrétien, pourrait aussi laisser croire que l’impulsion première est appelée à s’éteindre.
Pourtant, malgré ces graves dérives portant atteinte à l’essence du christianisme et perpétrées par les chrétiens eux-mêmes, malgré les développements d’un athéisme qui voudrait s’imposer comme étant la seule voie « raisonnable », des personnes se sentent aujourd’hui encore, toujours et à nouveau, touchées par la personne du Christ, touchées par le message de l’Évangile. Pourquoi ? L’être du Christ est l’essence de l’humain présent en chaque personne ; il est l’idéal d’humanité que chacun pressent plus ou moins consciemment tout au fond de lui-même. Le Christ représente l’absolue grandeur de celui qui s’offre totalement. Il peut être vu comme le plus faible, mais à la fois, paradoxalement, dans cette faiblesse, comme le plus fort.
La perception d’un idéal aussi élevé est souvent teintée par le désespoir, venant du constat d’en être encore tellement éloigné. L’expérience d’impuissance et d’obscurité intérieure est une réalité presque quotidienne de l’humanité d’aujourd’hui, liée à des épreuves intérieures, à la solitude, aux échecs. C’est justement dans cette impuissance que l’on peut percevoir l’être du Christ. Dans cette obscurité peut être vécue l’expérience lumineuse – même si elle est très discrète, le plus souvent, à peine perceptible – de la substance de l’être, du « Je » intime, personnel, et éternel, qui, redresse la tête, fonde en lui-même sa dignité et se tourne toujours et à nouveau vers la vie. « Je suis la Vérité et la vie. Je suis la lumière du monde ». Ces expériences, si discrètes soient-elles, viennent de l’idéal d’humanité appartenant à un avenir encore lointain, mais qui peut être déjà vécu dans de tels moments, intimement, personnellement.
L’impulsion du Christ a été déposée il y a deux mille ans dans la vie de la terre, comme une graine qui commence seulement à germer et à se déployer dans le for intérieur d’individus ; on peut en reconnaître l’action dans des personnes de toutes religions, de toutes philosophies. Son action dépasse de loin l’enseignement écrit (dans les évangiles) et se place bien au-dessus de toute division, de toute confession religieuse : « Jésus a fait bien d’autres choses encore ; si on les écrivait une à une, le monde entier ne pourrait, je pense, contenir les livres que l’on écrirait. » (Jean 21)